• La Méthode de l'explication Linéaire (toujours dans l'objectif du concours du CAPES)

    - Situer le passage et le Caractériser

    - Lecture

    - Dégager les lignes de force et la "composition"

    - Poser les orientations de "votre" explication

    - Expliquer vos axes : étude des formes et des significations en détaillant

    - Avancer par conclusions partielles en rapport avec les orientations définies au début

    - Rassembler enfin les résultats de l'analyse pour exprimer avec netteté les synthèses de la conclusion.

     

    A/ Introduction

    Brève, toute entière orientée vers l'intelligence du passage précis. Proscrire les développements généraux sur l'auteur, l'oeuvre, l'histoire littéraire.

    Il s'agit d'un extrait et un problème se pose alors de le mettre en rapport avec le reste de l'oeuvre.

    L'extrait doit être mis en rapport avec le reste de l'oeuvre. Il faut :

    1) savoir se rendre compte de ce qu'il représente dans l'économie générale ou le déroulement de l'intrigue.

    2) le distinguer de ce qui précéde et de ce qui suit immédiatement et ainsi comprendre les raisons qui ont conduit l'examinateur à isoler cet extrait, se demander ce qui assure son unité.

     

    L'introduction montre ensuite le "mouvement" du texte, son dynamisme, articulations possibles dans l'ordre de la narration, les glissements d'idées,...

    Elle indique ensuite les éléments nécessaires pour donner envie de découvrir le texte et pour préparer les lignes de force de l'explication.

     

    B/ Lecture

    Respect des vers, prononciation des mots, et ponctuation à respecter. La lecture fait partie intégrante de l'explication : c'est elle qui révèle, qui peut révèler votre interprétation du texte, votre aptitude à sentir et à transmettre la tonalité spécifique de la page.

     

    C/ Problèmes posés par l'étude de la composition

    Faire sentir la logique de la création dans un passage. (en cours)

     

     

     


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  • Eléments de correction pour le Commentaire Composé sur le Médée d’Euripide et Sénèque sur le monologue de Médée.



    1 / A savoir :

    - On dit le dolor et le furor, car les deux mots sont masculins en latin.

    - Surtout éviter les anachronismes tels que

    · parler de « goût proche du baroque » plutôt que de Baroque,

    · employer « cruauté » et non « sadisme », qui désigne une forme de cynisme sexuel propre aux romans du marquis de Sade, XVIII° siècle,

    · employer « monstre » plutôt que « démon » : le mot daimon existe en grec avec un sens qui n’est pas péjoratif (désigne la partie spirituelle de l’être humain, ou une sorte de « génie » dans un sens proche de celui de la mythologie celtique par exemple) ;

    · au sens de « créature maléfique », « démon » est chrétien et donc anachronique.


     




    2 / Plan possible pour le commentaire :

    I - Médée : personnage mythologique

    Ascendance particulière de princesse et de barbare : se distingue plus ou moins explicitement des « humains » (cf. « ce qui fait l’envie des humains »).

    Evocations nombreuses des puissances divines de l’Enfer (Hadès) et de ses parents ou de la mythologie ; cela surtout marqué chez Sénèque qui accentue plus le côté mythologique du personnage.


    Passé de sorcière, de magicienne qui le met aux marges du monde normal, mais aussi donne une grande importance à la parole, aux rites magiques par l’incantation (le monologue dans les 2 cas, et toujours plus chez Sénèque, est une forme d’incantation sur elle-même, visible dans le style avec retournements, reprises, invocations).


    Il y a donc déjà une histoire qui fige en partie ce qui va se passer dans la pièce : elle a avant de commencer un destin fatal qu’elle doit accomplir (le monologue ne sert que de révélateur de la manière dont elle l’accomplit : dans la douleur et une forme de résignation au destin chez Euripide, dans le furor chez Sénèque) et que le spectateur connaît. Le travail du dramaturge est alors d’adapter cette trame attendue au public qu’il vise : public civique du concours à Athènes, proche du mythe qui fait partie de sa culture immédiate, spectateur lettré beaucoup plus lointain de la recitatio à Rome, pour qui le mythe est occasion de réflexion philosophique sur le monde.


    II – Ces deux Médée sont des tragédies spécifiquement antiques


    Cette adéquation au spectateur porte la marque de spécificités antiques qu’il ne faut pas dénaturer par une lecture anachronique ou seulement psychologique du personnage :


    Humanité de Médée notamment chez Euripide, se mesure au regard d’une perception antique de la vie : accoucher est toujours dangereux (ne pas s’étonner des « douleurs de l’enfantement », ce n’est pas une moment merveilleux, mais un risque vital souvent), on élève des enfants en partie pour eux, mais surtout pour soi : parce qu’ils sont la garantie de la transmission d’un patrimoine dans la société aisée, et parce qu’ils sont la garantie probable de votre fin de vie ( les enfants s’occupent des parents jusqu’à leur mort) et au-delà : al « tranquillité » du mort dépend aussi des rites accomplis par les descendants et du souvenir qu’on entretient. Médée en tuant ses enfants se coupent aussi de toute vie sociale, en plus de la vengeance « égoïste » qu’elle accomplit, elle se mutile affectivement et socialement (en est consciente et le dit dans les deux textes).


    Chez Sénèque, le mythe étant plus abstrait, il représente plus une « étude de cas » : le texte permet de montrer progressivement le furor et la déstabilisation, càd la perte de l’ataraxie (trouble grandissant des questions, revirements, métaphores de l’agitation) ; contre-exemple pour la philosophie stoïcienne, justement de ce qu’il ne faut pas devenir.


    Grande importance dans les 2 textes, même si sous des formes différentes en degré, de la notion d’hybris ou de furor comme transgression des limites de l’humanité : notion fondamentale de la perception antique de l’univers (l’homme y a une place au-delà de laquelle il met en danger non seulement lui mais tt l’ordre du monde) : il est donc nécessaire chez Euripide comme chez Sénèque que Médée qui transgresse finalement cet ordre soit expulsée du monde et coupée de la reconnaissance de la communauté : expulsion de Corinthe et simple vie d’errance et de solitude chez Euripide, radicale disparition vers un « ailleurs » pour Sénèque. Cette idée est parallèle au fait que Médée n’entre donc pas dans les termes de la moralité et de l’immoralité, car elle sort du système, mais dans ceux d’humanité et inhumanité, et si on tient à l’idée éthique, ds ceux de moralité et amoralité.


    III – Médée : personnage de tragédie

    Aspect souvent oublié : ces textes sont du théâtre !


    Médée est essence même du tragique : tragique grec qui donne ensuite naissance au tragique classique français, défini par conflit sans issue possible, dans un malheur sans apaisement possible (ou bien Médée est bafouée et trahie et exilée et privée de ses enfants, ou bien elle est « vengée » par le meurtre mais toujours bafouée et trahie et exilée et privée de ses enfants : la seule différence entre les 2 situations est le fait : soit d’accepter de manière résignée, soit de le vivre de manière « active », violente).


    Tragique donc parce que la voie « active » choisie la met elle-même au comble d’1 malheur auquel elle participe et qu’elle crée ou accentue (dit et conscient dans les 2 textes).


    Tragique parce que la pièce a claire fonction cathartique sur le spectateur : mélange de compassion et d’horreur dans les 2 cas, compassion au malheur, et horreur devant la voie choisie qui fait que le spectateur à ce moment là sait qu’il est devant la distance théâtrale (très visible ds les 2 textes par le dialogisme, et encore accentué chez Sénèque par l’évocation des images infernales de son frère et des autres assassinats qu’elle a commis).

     




    ATTENTION ceux ci reste seulement quelques pistes de travail !

     


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  • Cinna, pièce de Pierre Corneille

     

    Résumé : L'action se déroule à Rome dans le palais de l'empereur Auguste en l'an 6 avant notre ère.

    ACTE 1
    Sc1/ Auguste - alors qu'il n'était pas encore empereur et qu'il s'appelait Octave - a fiat assassiner pour des raisons politiques son "tuteur" Caïus Toranius. Mais depuis qu'il est parvenu au pouvoir, comme pris de remords, il comble de bienfaits la fille de son ancienne victime, Emilie, à qui il voue une affection presuqe paternelle. En vain, Emilie, qui n'a rien oublié du passé, s'est juré de venger la mort de son père Toranius en faisant à sont our assassiner Auguste. Elle n'a d'ailleurs promis d'épouser Cinna, qui l'aime et qu'elle aime, qu'à la condition qu'il tue l'empereur. Cinna s'y est engagé et a donc organisé une conspiration contre Auguste. L'attentat est fixé au lendemain.
    A la veille du jour fatidique, Emilie exprime ses craintes dans un lon monologue : si le complot venait par malheur à être découvert, Cinna irait en effet à une mort certaine. Malgré son devoir qui la pousse à se venger et qu'elle entend bien remplir, Emilie tremble pour l'homme qu'elle aime.

    Sc2 / Sa confidente, Fulvie, elle-même inquiète de tant de risques encourus, s'efforce de la ramener à plus de réalismeet de lucidité.
    Fulvie tente de faire renoncer Emilie à son projet. C'est l'avenir de Rome et du bonheur des Romains dont il est question. Ce double devoir, filial et patriotique, vaut bien qu'elle et Cinna assument tous es risques.

    Sc3 / Cinna apparait. Il sort d'une ultime réunion avec les conjurés, des républicains dans l'âme, tous impatients d'en finir avec le pouvoir personnel et autoritaire d'Auguste. Discours enflammé (exalté) contre le tyran.
    Emilie et Cinna rêvent à leur bonheur et à celui de Rome.

    Sc4 / Coup de théâtre : Auguste convoque Cinna et avec lui Maxime, l'autre chef de la conjuration.


    ACTE II

    Sc 1 / Auguste ignore tout du complot. Lassé de pouvoir, de ses servitudes et de ses soucis, il songe à abdiquer. Avant de prendre sa décision, il souhaite consulter Cinna et Maxime, qu'il considère comme ses 2 meilleurs amis.
    Contre toute logique apparente, Cinna presse Auguste de demeurer au pouvoir : son départ ouvrirait une crise de régime.
    En récompense de leurs conseils, il nomme Maxime "gouverneur" de Sicile, il donne à Cinna la main d'Emilie et promet de l'associer un jour à la direction de l'empire.

    Sc 2 / Maxime demande des explications à Cinna. Cinna a refusé qu'Auguste abdique car il aurait été trop glorieux pour lui et parce que ses crimes riques de rester impunis. Mais Maxime est peu convaincu.

    ACTE III

    Sc 1 / Cinna lui dit qu'il aime Emilie, et que s'il veut l'épouser il faudra qu'Auguste meurt. Mais MAxime aime aussi Emilie.
    Euphorbe lui suggère de trahir Cinna en le dénonçant à l'empereur.
    Celui ci va laisser Euphorbe agir à sa guise.

    Sc 2/ Cinna retrouve Maxime et l'entretien de ses scrupules.

    Sc 3/ Cinna étant seul laisse échapper son désespoir. Il s'est engagé à tuer Auguste par serment. Un serment est sacré. Ne pas le respecter, c'est offenser les dieux et rahir Emilie.
    Le déshonneur l'attend de toute façon.

    Sc 4/ Emilie survient sur scène, heureuse de constater qu'Auguste ne sait rien du complot. Cinna lui avoue son désarroi, son trouble. Mais Emilie ne veut rien entendre.
    Cinna se résigne alors de tenir sa promesse, mais il se suicidera après le meurtre d'Auguste. Qui lui permettra de retrouver son honneur et sa dignité.

    Sc 5/ Emilie se confie à Fulvie et se sent pendant un instant ébranlée. Mais sa haine contre l'empereur est plus forte.

    ACTE IV

    Sc 1/ Euphorbe, l'affranchi de Maxime, informe l'empereur du complot qui se trame contre lui. Mais Maxime rongé de remords se jette dans le Tibre (Fleuve). Mais Emilie est épargné par l'information.

    Sc 2/ Auguste est désemparé par la nouvelle. Il ressent une immense solitude. Il dresse le bilan de sa vie. Auguste hésite sur ce qu'il doit faire : laisser faire ou punir les conjurés ?

    Sc 3/ Livie son épouse lui suggère de faire preuvede clémence et d'habileté. Mais l'idée ne convainc guère Auguste.

    Sc 4/ Fulvie apprend à Emilie que le comlot a été découvert. Elle reste calme et se console en se disant qu'elle aura out tenté pour venger son père et rétablir la république.

    Sc 5/ Maxime parait soudain. Il engage Emilie à s'enfuir avec lui, à gagner un lieu tranquille où, loin de Rome, ils pourront fomenter une nouvelle conspiration contre Auguste. Mais Emilie se doute qu'il est à l'origine de la trahison, et elle repousse avec dédain.

    Sc 6/ Maxime prend alors conscience de son infamie. Mais cela ne l'empeche pas de rejeter la faute sur Euphorbe. Il décide alors de tout avouer à l'empereur.

    ACTE V

    Sc 1/ Cinna est convoqué par Auguste. Ne pouvant nier les accusations lancées par l'empereur, Cinna revendque la pleine responsabilité de ses actes et brave Auguste : la mort ne lui fait pas peur.

    Sc 2/ Emilie reconnait sa participation au complot. Cinna et Emilie vont alors se disputer l'honneur d'avoir organisé la conspiration et réclament la faveur d'être exécutés ensemble, d'être unis dans la mort.

    Sc 3/ Auguste s'apprete à les condamner quand Maxime intervient à son tour et avoue ses trahisons. Auguste pardonne à tous. Emilie sent sa haine disparaitre.
    Livie prédit alors à Auguste un règne paisible, et un avenir aux Romains de paix. Se prépare également le mariage de Cinna et Emilie.


    FIN

    35 commentaires
  • p. 258 à 262

    Corrigé ...

    Introduction

    Le chapitre intitulé "A la Cathédrale" précéde immédiatement l'exécution du personnage principal du Procès, Joseph K. Après avoir attendu vainement un client de sa banque à qui il devait faire visiter la cathédrale de la ville, K est inerpellé par un jeune abbé qui se présente comme l'aumonier de la prison. Un étrange dialogue s'engage alors, dans lequel K, guidé par l'aumonier, reconnait la nécessité de la sentence finale et se soumet à son destin. En comparant cette séquence avec le premier inerrogatoire de K, au tribunal, on peut mesurer l'étendue du chemin parcouru par le personnage, qui ne s'étonne pas d'être reconnu par un prêtre qu'il n'a jamais rencontré, ni de devoir répondre docilement à un interrogatoire alors qu'il était venu à la cathédrale montrer les curiosités de la ville. Mais si cet interrogatoire, une fois de plus, vise moins l'établissement des faits que l'acceptation d'une culpabilité établie d'avance, il n'en constitue pas moins, par son cadre religieux, une étape nouvelle dans la représentation d'un processus judiciaire qui condamne irrévocablement l'accusé.
    On verra ainsi en quoi ce texte met en scène la conversation douloureuse de Joseph K. Puis on montrera que le discours du prêtre fonctionne comme révélation d'une sentence à laquelle K ne pourra échapper.

    *


    Le dialogue de K et de l'abbé constitue une étape importante dans le parcours de l'accusé, contraint ici de reconnaitre sa culpabilité alors qu'il ignore toujours son crime. Mais dans ce cadre religieux, l'acceptation d'une destinée malheureuse prend la forme d'une véritable conversion morale du personnage.
    Contrairement aux chapitres précédents, qui montraient un personnage souvent arrogant face aux représentants de l'institution judiciaire, K montre ici un visage humble. Il se soumet aux désirs du prêtre en tous points, prenant la place qui lui est assignée, lâchant son livre de curiosités, puis répondant humblement à toutes les questions qui lui sont posées. Loin des tirades qui avaient marqué son premier interrogatoire, K répond de façon brève et avoue, à plusieurs reprises, osn ignorance de la marche à suivre ou des événements : "Je ne le savais pas, dit K"; "Je ne sais pas comment il finira. Le sais-tu toi ?". K est figuré en proie au doute, àla fois sur l'issue de son procès et sur les démarches à entreprendre : "Je vais encore chercher de l'aide, dit K en relevant la tête pour voir ce que l'ecclésiastique en pensait." C'est cet aveu d'ignorance qui permet à l'abbé d'entreprendre une véritable conversion de K en lui révélant la vérité qu'il semble incapable d'apercevoir : "Tu te méprends sur les faits...", puis, pour finir "N'y vois-tu donc pas à deux pas ?".

    K, à la cathédrale, se trouve ainsi à la croisée des chemins. L'espace de la cathédrale s'organise symboliquement pour figurer l'hésitation entre deus postures possibles, face à l'abbé mais surtout face au procès. K est d'abord tentté par la fuite, représentée par "trois petites portes ténébreuses", mais il choisit finalement la confrontation avec le prêtre. Ce trajet diégétique met en abyme la destinée de K dans l'ensemble du roman, du mépris à l'acceptation du procès. La symbolique de l'espace insiste sur la difficulté du dilemme proposé à K, dans la mesure où la fuite se présente comme un saut dans l'inconnu tout aussi inquiétant, sinon plus, que la soumission à la justice : ignorance de l'avenir dans un cas, acceptation d'une destinée définie dans l'autre, c'est l'éternel paradoxe qui veut que les hommes préfèrent parfois un esclavage dont ils connaissent les limites à une liberté qui les expose au risque de l'échec. Mais une fois le procès accepté, K doit encore accomplir un véritable parcours de conversion, d'abord à l'idée de la nécessité de la condamnation, puis à l'acceptation de la fin de la procédure. Le dialogue avec l'abbé s'organise suivant ces deux temps, laissant K absolument vaincu.

    On peut s'étonner de cette résignation soudaine du personnage, de cette absence d'étonnement. Tout se passe comme si K, soudain, avait su tirer les leçons de la procédure et ne s'étonnait plus de rien. Mais cette conversion doit autant à l'expérience de K qu'au dispositif de pression très puissant qui est ici exercé sur lui. En faisant irruption dans l'espace protégé de la cathédrale, la justice prouve sa puissance et bénéficie de l'aura conjugué du juge et de l'abbé. La cathédrale vide, le signe du bedeau, l'appel du croyant pour le sermon, l'éthos du prêtre, tout est fait pour impressionner profondément le personnage. Le dispositif se renforce dans le dernier temps du dialogue : K est livré au silence, et perd à la fois ses repères temporels et saptiaux : "c'était déjà la pleine nuit. Nulle couleur des grands vitraux n'arrivait à couper du moindre reflet l'ombre de murs. Et c'était pourtant maintenant que le sacristain se mettait à éteindre l'un après l'autre tous les cierges du maître-autel". L'espace, peu à peu, devient abstrait, transportant K dans un univers qui relève moins d'un tribunal humain que d'une mise en scène du jugement dernier.

    C'est dans ce contexte inquiétant que K doit subir l'interrogatoire de l'abbé. Mais le jeu des questions dévoile l'enjeu véritable du dialogue, qui transforme l'accusé en coupable.

    *



    Ainsi, l'épisode de la cathédrale fonctionne comme révélation de la sentence de K, avant le dernier chapitre dans lequel on assiste à son éxécution. Si les motifs de l'arrestation ne sont toujours pas énoncés, si la sentence de mort n'est pas exlicitement prononcée, le discours du prêtre opère pourtant comme un verdict qui engage l'humanité même du héros kafkaïen.

    Le dialogue des deux hommes se donne d'abord comme une forme d'interrogatoire : le prêtre pose des questions, auxquelles K répond de façon docile. Mais on s'aperçoit rapidement que cet interrogaoire n'en est pas véritablement un : les questions du prêtres sont fermées ("Sais-tu que ton procès va mal ?") et portent moins sur l'établissement des faits que sur les sentiments de K vis-à-vis de son procès ("Comment penses-tu que cela finira ?"). En fin de compte, tout se passe comme si ce dialogue tenait office du verdict manquant, dans la mesure où l'abbé, contrairement aux intermédiaires précédents, fonde la validité de son oracle moins sur ses expériences passées de la justice que sur des informations concernant le procès de K, informations qui semblent émaner de l'institution dans son ensemble. Paradoxalement, le caractère vague des énoncés participe d'une objectivation du propos : c'est comme si la machine transcendante parlait par la bouche de l'abbé. Le pronom laisse indécise la position de l'abbé par rapport à l'institution, dont il est à la fois ici le serviteur zélé et le commentateur distant. Véritable intermédiaire entre deux mondes, la justice et la religion, l'aumonier conduit K vers l'acceptation d'un verdict de culpabilité présenté comme inéluctable.

    K souffre constamment au cours du roman de la publicité donnée à son procès. Cette souffrance est présente à deux reprises dans notre passage. K, condamné à être sans cesse reconnu de tous, regrette à l'appel de son nom le temps de son anonymat : "Qu'il était beau de n'être connu qu'une fois qu'on s'était présenté". Plus tard, au cours du dialogue avec le prêtre, il se plaint du mécanisme de contamination qui lui vaut de ne rencontrer que des interlocuteurs prévenus contre lui : "Tous ceux qui s'occupent du procès ont une prévention contre moi. Ils la font partager à ceux qui n'ont rien à y voir, ma situation devient de plus en plus difficile". Mais l'abbé corrige cette représentation des faits en expliquant, de façon assez sibylline, que cette diffusion progressive de l'idée de la culpabilité de K fait partie de la sentence : "LA sentence ne vient pas d'un seul coup, la procédure y aboutit petit à petit". Il faut entendre par là que, contrairement à la marche normale d'un procès, dans laquelle l'accusé n'est déclaré coupable qu'à l'issue de la procédure judiciaire, la justice qui s'attaque à K révèle progressivement, dans l'entourage de K comme à la banque, une sentence de culpabilité établie d'avance. Si "procédure" il y a, ce n'est donc pas au sens où nous l'entendons communément : ni instruction, ni procès, elle est seulement révélation progressive d'un verdict énoncé dès l'arrestation.

    Néanmoins, la révélation reste partielle. Si l'abbé renseigne K sur l'issue nécessairement négative de la procédure, il ne dévoile pas le motif qui justifie cette sentence. Les explications de l'aumonier, en vertu d'un paradoxe très kafkaïen, ne font ainsi que multiplier les interprétations possibles du roman. Car, paradoxalement, la culpabilité de K semble d'autant plus établie qu'elle est sans objet précis. L'interrogatoire, une fois de plus, se détourne des motifs de l'arrestation du fondé de pouvoir pour tenir la faute comme acquise, "prouvée". K réagit de façon assez surprenante à cet énoncé de sa culpabilité en demandant "comment un homme peut-il être coupable ? Nous sommes tous des hommes ici, l'un comme l'autre". Alors que K, en s'appuyant sur l'innocence universelle de l'homme, renverse le dogme chrétien de la culpabilité originelle, l'abbé le renvoie au contraire à son identité d'accusé en ne concédant l'argument que pour réaffirmer la cupabilité. C'est ici que la confusion de la justice et de la religion atteint sa dimension laplus troublante, dans la mesure où la culpabilité nécessaire de K prend la dimension d'un crime existentiel, défini en termes religieux. La mise en scène d'un prêtre dominateur ui sermonne et juge l'accusé K suggère "in fine" que tout homme est naturellement coupable et naturellement condamné.

    * * *



    Conclusion

    Il faut donc souligner, pour conclure, l'ambiguité extrême de ce passage, qui intervient comme une justification de la condamnation imminente du personnage principal. Point culminant du roman dans la mise en scène d'une justice toute-puissante, le récit montre un dispositif impressionnant destiné à soumettre l'accusé à la nécessité de son destin. L'aumonier des prisons retrouve ainsi son rôle traditionnel dans le processus judiciaire et religieux : il accompagne le condamné vers une mort inéluctable, que celui-ci doit accepter pour obtenir son rachat. Kafka dénonçait dans son journal la transcendance du destin qui marquait les romans et l'idéologie dominante du XIX° siècle. Il montre ici que K est moins victime de sa culpabilité que d'un système qui utilise le destin pour soumettre les hommes.


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