• FICHES DE VOCABULAIRE – ANCIEN FRANÇAIS

     

    ANGIN / ENGIN 

     

    Le lexème : Nom masculin + cas & nombre de l’occurrence.

     

    Origine : Il provient du latin INGENIUM ; ce nom était lui-même formé à partir de IN + GENO  qui signifie « engendrer », « créer », « faire naître ». INGENIUM désigne donc les « qualités innées d’un être humain », notamment ses « qualités intellectuelles innées », son « intelligence », son « talent », sa « créativité ».

    Dès le bas latin, ce terme assez abstrait à l’origine, se charge de notations plus concrètes et désigne une invention ingénieuse (avec une nuance péjorative il peut s’agir d’un piège) ou une machine, un instrument ( vu en tant que preuve concrète de l’ingéniosité humaine).

     

    Ancien Français : Le terme ENGIN garde ses acceptions abstraites et concrètes.

     

    Sens I : « qualité d’esprit permettant d’arriver à un résultat sans user de la force ».

    L’engin, c’est « l’intelligence », la « faculté de comprendre », « la capacité intellectuelle de résoudre une difficulté ». Dans ce sens de « ingéniosité », il se trouve en concurrence avec d’une part sens (de sensus) qui renvoie au bon sens pratique et à la finesse d’esprit, et d’autre part avec art qui désigne, conformément à son étymologie ars, artis, le savoir faire, l’habileté. Dans cette acception, engin s’oppose donc à force.

     

    Sens II :  (sens abstrait péjoratif) : engin désigne les manifestations blâmables de cette capacité mentale à obtenir ce que l’on veut sans se servir de la force, au sens de « ruse, stratagème, tromperie ». Cet important glissement vers une nuance péjorative s’explique à partir du sens I : au sens I, l’engin est ce qui permet aux êtres moins forts physiquement de prendre le dessus sur des plus puissants qu’eux. C’est donc le recours des faibles qui ne peuvent toujours être très exigeants sur les moyens utilisés.

    Dans cette acception, engin est en concurrence avec BARAT (« ruse, tromperie »), LECHERIE (ruse), LOBE ( « tromperie par des paroles »), LOSENGE (« tromperie par de fausses louanges » CF. Le Roman de Renart), GANCHE (« tromperie ») et d’autres termes relevant du vocabulaire de la tromperie.

     

    Sens III :  (sens concret) : engin renvoie aussi aux applications concrètes de cette qualité. Quoique moins fréquemment, engin peut désigner toute sorte d’objets, produits d’une conception ingénieuse, machines et instruments, notamment machines de guerre.

     

    Le succès du mot engin en ancien français est conforté par l’existence de plusieurs dérivés d’usage courant : le verbe ENGIGNIER (« fabriquer avec intelligence » et « tromper, duper »), le substantif ENGIGNIERE, ENGIGNOR (« trompeur »), l’adjectif ENGIGNOS (« ingénieusement conçu » et « rusé, trompeur »).

     

    Sens contextuel : à commenter selon le texte travaillé.

     

    Evolution : Elle se caractérise par une restriction de sens avec perte des valeurs abstraites à partir du moyen français.

    Sens I : disparu.

    Sens II : il ne subsiste que dans le proverbe mieux vaut engin que force. Au XVI° siècle, cette acception est sentie comme vieillie mais est encore attestée.

    Cette restriction s’explique par l’apparition de termes concurrents pour les acceptions abstraites de engin : astuce (emprunt tardif au latin ASTUCIA, « ruse »), habileté (néologisme savant de la fin du XVIII° siècle qui étend son emploi au XV°), ingéniosité (dérivé de engin créé en langue savante au début du XVI° siècle).

     

    Sens III : Au XVI° siècle, engin se trouve en concurrence avec machine (entré en langue au milieu du XVI° siècle avec son sens moderne). Au XVII°, engin subit une progressive spécialisation et désigne plus particulièrement des instruments utilisés dans  les domaines de la guerre, de la chasse et de la pêche. Il a souvent la valeur de « piège ».

     

    Actuellement, engin a toujours une valeur générique et désigne n’importe quelle mécanique à condition qu’elle possède une complexité dans la fabrication ou l’utilisation ; un complément vient préciser le domaine d’emploi de l’engin (engin de terrassement, engin de guerre…). Seul, le terme se teinte souvent d’une nuance péjorative (qu’est ce que c’est que cet engin ?).

     

    Parallèlement à cette évolution du mot engin, ses dérivés évoluent aussi : le verbe engigner tend à sortir de l’usage et au XVII° siècle, la langue le remplace par s’ingénier (relatinisation savante qui date du XV°). Le substantif engigniere, engignor disparaît au profit de l’ingénieur (relatinisation au XVI°) au sens de « inventeur, constructeur de machines ». Enfin, à l’adjectif ingenios se substitue ingénieux (relatinisation au XVI°) qui signifie « habile ».


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique