• Phèdre – Plan pour un corrigé de la dissertation :<o:p></o:p>

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    Citation Sujet de J. Scherer Racine ou la Cérémonie :<o:p></o:p>

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    « Le tragique n’est jamais que ce qui semble. Toute explication le détruit. Il ne se développe que dans une atmosphère d’incertitude moyenne, excluant les solutions tranchées du hasard et du miracle. Il ne s’épanouit que dans l’ombre. Quelque chose a peut-être joué. Mais il est impossible de dire ce que c’est. Le fait de ne pas savoir est tragique en lui-même, plus tragique que si les responsabilités étaient clairement définies, et peut-être n’y a-t-il rien d’autre dans le tragique que cette ignorance ».

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    Introduction

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    Tragédie au XVIIème : « d’illustrations infortunes ». Les définition métaphysiques, qui convoquent une transcendance, ne sont attestées que postérieurement. Le dictionnaire de l’Académie 1664 évoque le tragique comme « action mystérieuse », action, donc, sur le public, par une esthétique. Ici, Scherer expose et cherche, en se référant à Aristote, les conditions de développement du tragique : « s’épanouir » (Il ne s’épanouit que dans l’ombre).

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    La définition est elle-même volontairement imprécise comme pour signaler le refus du recours au registre de la définition pour qualifier le tragique. Cela situe le tragique, non du côté d’une structure obligée mobilisant une référence à une transcendance (fatalité ou providence) avec laquelle une liberté serait paradoxalement aux prises, ni  d’une qualification psychologique des personnages ou d’un nouage particulier de l’intrigue, mas du côté de l’effet produit, de la sensation, du sentiment. Cela est d’ailleurs homogène à l’effet esthétique/pathétique prôné par Aristote et reprise par Scherer : inspirer « terreur et pitié », à quoi se substitue ici l’effet induit du « fait de ne pas savoir », de l’atmosphère « d’incertitude moyenne ».

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    Signaler celle-ci, cette ignorance – en tant qu’elle est incomplète « moyenne » -, comme condition de développement du tragique, c’est postuler la présence d’un aiguillon interne qui pousse à sortir de ce « moyen », de ce « relatif », de ce vague savoir du non savoir qui est d’ailleurs le propre du mythe Œdipe. Cet aiguillon serait alors aspiration à une certitude, un absolu en tant que conjuration de l’incertain et plénitude d’un sens.

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    Reste à cerner l’être de cette « ignorance » que l’énoncé ne donne que les contours instables, et à voir si et comment elle joue dans Phèdre.

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    I/ Ce qui semble : pas de transcendance avérée

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    Dans Phèdre, rien ne se dénoue (rien n’est tranché) mais tout se noue et se trame de plus en plus. Pas d’instance surplombante fatale ou providentielle. Certes il y a bien du merveilleux, présence indéniable des dieux, mais s’ils ne s’abstiennent pas d’intervenir, leurs actes (vengeurs) sont doublés par une causalité rationnelle : quand ses chevaux entraînent Hyppolite à mort, il avait déjà lâché leurs rênes. Le tragique ne naît pas, du moins pour le spectateur, du sentiment de la domination d’une transcendance assignable, nommable.

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    Les personnages, par leur ignorance autant que malgré leur lucidité (Phèdre) nourrissent la chaîne fatale (surtout langagière) qui les empiège et se trame, de manière immanente. Mais cette trame n’est accessible au spectateur seul, dans son tissage de déterminations qui allie hasard et nécessité, contingence et logique. Le pathos tragique (terreur et pitié) se nourrit pour le spectateur de sa « distanciation » devant l’aveuglement des personnages soumis à l’incertain et au leurre.

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    II/ Ce qui semble : les faux-semblants

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    Cet empiègement s’aggrave des faux-semblants où se prend la liberté des personnages ballottés au gré d’illusions. Ici, la théâtralité de la tragédie joue un rôle majeur. Par les règles de la bienséance (aveux à demi, « mort » de Thésée, dans le hors scène, qui s’avèrera fausse), par le fétichisme du langage, propre au théâtre où l’action est faite de mots (fétichisme, ici, de la rumeur), s’initient des malentendus qui favorisent le tragique. La contrainte des 3 unités également, imposant l’impossibilité de se soustraire au lieu clos et la précipitation temporelle avec leur effet « panique » qui augmentent la tension du désir et de l’effroi et suscitent ainsi des hallucinations elles-mêmes instigatrices de quiproquos fatals.

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    Ainsi, le tragique, en tant que piège, machine infernale, procède à la fois du leurre, du semblant, de ce qui semble à l’ignorance entière ou partielle des personnages, mais elle vient aussi du sentiment de l’incertain : instabilité et incomplétude du sens des vicissitudes où ils sont pris.

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    III/ Ce qui semble : le tourment du non savoir

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    La tragédie par sa structure crée des situations de contradiction, d’impasse, qui radicalisent l’impuissance de personnages jamais en mesure de maîtriser les tenants et les aboutissants d’une situation qui les voue à l’incertitude moyenne. Pris dans l’espérance inextinguible d’accomplir leurs désirs, leur volonté d’agir se heurte au sentiment de ne pas savoir comment agir, ni sur quoi, et d’être ballotté d’incertitudes en incertitudes – sous toutes les configurations du schéma actantiel -. Les malentendus s’accumulent (jusqu’à leur mise à jour tragique) tant par la triangulation de l’amour (A aime B qui aime C) et sa séparation du pouvoir (pouvoir tout, sauf être aimé) que par la prise des êtres parlants dans un langage qui, imposant sa loi à la parole, fait toujours dire trop peu ou trop (de par cette intempérance intrinsèque de l’expression langagière que stigmatise l’augustinisme). Le rêve, en son illusoire propre (« Phèdre au Labyrinthe »), s’essaie à conjurer ce tragique, ne faisant que le nourrir encore et en révéler la grave atteinte à la sensibilité des personnages.

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    Le personnage de Phèdre serait peut-être l’incarnation d’une volonté de s’affranchir coûte que coûte de cette ignorance, de cette incertitude moyenne, en conférant à sa destinée un sens plein, prenant acte de l’échec de ses désirs à s’accomplir que qualifie son « malheur ». Après  avoir mobilisé le mythe (solaire) à l’appui de sa tragédie personnelle, elle n’apercevrait plus alors en elle que le malheur nu, démythifié, d’une pénible vie. Sur ce malheur sans lustre produit par une incertitude moyenne, elle reconquiert alors, par sa mort volontaire, un sens plein, un absolu qui se formule, dans les termes d’une pureté restituée : Rend au jour qu’[ils] souillaient toute sa pureté.<o:p></o:p>

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    Conclusion

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    Néanmoins, le tragique ainsi vaille que vaille rehaussé au plan du mythe s’est bien développé « dans l’ombre », au détour des leurres, dans les tourments d’un non savoir se soupçonnant tel, dans l’insatisfaction abyssale d’une vie moyenne dépourvue de toute épopée. Le tragique qu’évoque Scherer pourrait bien être ce sentiment d’incertitude moyenne, et ici fatale, transmis au spectateur renvoyé en miroir à l’impossibilité de donner un sens salutaire à sa propre destinée.

    Un tel tragique serait proche du tragique évoqué par Pascal dans ses Pensées, tragique de cet homme « sans dieu » qu’est aussi l’homme moderne, exilé sur la prison aveugle qu’est le globe terrestre. A cet égard, Phèdre, tragédie port royaliste, en ce sens, peut-être reçue comme porteuse d’un tragique, tout entier de l’ordre de « l’effet ». Ce sentiment historiquement situé, mais réactualisable par le spectateur contemporain, la citation de Scherer en esquisse l’atmosphère toujours dépendante d’une langue et d’une théâtralité qui lui confèrent sa concrétude esthétique, sa puissance cérémoniale, celle d’une « action mystérieuse », positive – quoiqu’elle procède d’une négativité, d’un vide de transcendance – sur la sensibilité du spectateur.

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