• Eléments de correction pour le Commentaire Composé sur le Médée d’Euripide et Sénèque sur le monologue de Médée.



    1 / A savoir :

    - On dit le dolor et le furor, car les deux mots sont masculins en latin.

    - Surtout éviter les anachronismes tels que

    · parler de « goût proche du baroque » plutôt que de Baroque,

    · employer « cruauté » et non « sadisme », qui désigne une forme de cynisme sexuel propre aux romans du marquis de Sade, XVIII° siècle,

    · employer « monstre » plutôt que « démon » : le mot daimon existe en grec avec un sens qui n’est pas péjoratif (désigne la partie spirituelle de l’être humain, ou une sorte de « génie » dans un sens proche de celui de la mythologie celtique par exemple) ;

    · au sens de « créature maléfique », « démon » est chrétien et donc anachronique.


     




    2 / Plan possible pour le commentaire :

    I - Médée : personnage mythologique

    Ascendance particulière de princesse et de barbare : se distingue plus ou moins explicitement des « humains » (cf. « ce qui fait l’envie des humains »).

    Evocations nombreuses des puissances divines de l’Enfer (Hadès) et de ses parents ou de la mythologie ; cela surtout marqué chez Sénèque qui accentue plus le côté mythologique du personnage.


    Passé de sorcière, de magicienne qui le met aux marges du monde normal, mais aussi donne une grande importance à la parole, aux rites magiques par l’incantation (le monologue dans les 2 cas, et toujours plus chez Sénèque, est une forme d’incantation sur elle-même, visible dans le style avec retournements, reprises, invocations).


    Il y a donc déjà une histoire qui fige en partie ce qui va se passer dans la pièce : elle a avant de commencer un destin fatal qu’elle doit accomplir (le monologue ne sert que de révélateur de la manière dont elle l’accomplit : dans la douleur et une forme de résignation au destin chez Euripide, dans le furor chez Sénèque) et que le spectateur connaît. Le travail du dramaturge est alors d’adapter cette trame attendue au public qu’il vise : public civique du concours à Athènes, proche du mythe qui fait partie de sa culture immédiate, spectateur lettré beaucoup plus lointain de la recitatio à Rome, pour qui le mythe est occasion de réflexion philosophique sur le monde.


    II – Ces deux Médée sont des tragédies spécifiquement antiques


    Cette adéquation au spectateur porte la marque de spécificités antiques qu’il ne faut pas dénaturer par une lecture anachronique ou seulement psychologique du personnage :


    Humanité de Médée notamment chez Euripide, se mesure au regard d’une perception antique de la vie : accoucher est toujours dangereux (ne pas s’étonner des « douleurs de l’enfantement », ce n’est pas une moment merveilleux, mais un risque vital souvent), on élève des enfants en partie pour eux, mais surtout pour soi : parce qu’ils sont la garantie de la transmission d’un patrimoine dans la société aisée, et parce qu’ils sont la garantie probable de votre fin de vie ( les enfants s’occupent des parents jusqu’à leur mort) et au-delà : al « tranquillité » du mort dépend aussi des rites accomplis par les descendants et du souvenir qu’on entretient. Médée en tuant ses enfants se coupent aussi de toute vie sociale, en plus de la vengeance « égoïste » qu’elle accomplit, elle se mutile affectivement et socialement (en est consciente et le dit dans les deux textes).


    Chez Sénèque, le mythe étant plus abstrait, il représente plus une « étude de cas » : le texte permet de montrer progressivement le furor et la déstabilisation, càd la perte de l’ataraxie (trouble grandissant des questions, revirements, métaphores de l’agitation) ; contre-exemple pour la philosophie stoïcienne, justement de ce qu’il ne faut pas devenir.


    Grande importance dans les 2 textes, même si sous des formes différentes en degré, de la notion d’hybris ou de furor comme transgression des limites de l’humanité : notion fondamentale de la perception antique de l’univers (l’homme y a une place au-delà de laquelle il met en danger non seulement lui mais tt l’ordre du monde) : il est donc nécessaire chez Euripide comme chez Sénèque que Médée qui transgresse finalement cet ordre soit expulsée du monde et coupée de la reconnaissance de la communauté : expulsion de Corinthe et simple vie d’errance et de solitude chez Euripide, radicale disparition vers un « ailleurs » pour Sénèque. Cette idée est parallèle au fait que Médée n’entre donc pas dans les termes de la moralité et de l’immoralité, car elle sort du système, mais dans ceux d’humanité et inhumanité, et si on tient à l’idée éthique, ds ceux de moralité et amoralité.


    III – Médée : personnage de tragédie

    Aspect souvent oublié : ces textes sont du théâtre !


    Médée est essence même du tragique : tragique grec qui donne ensuite naissance au tragique classique français, défini par conflit sans issue possible, dans un malheur sans apaisement possible (ou bien Médée est bafouée et trahie et exilée et privée de ses enfants, ou bien elle est « vengée » par le meurtre mais toujours bafouée et trahie et exilée et privée de ses enfants : la seule différence entre les 2 situations est le fait : soit d’accepter de manière résignée, soit de le vivre de manière « active », violente).


    Tragique donc parce que la voie « active » choisie la met elle-même au comble d’1 malheur auquel elle participe et qu’elle crée ou accentue (dit et conscient dans les 2 textes).


    Tragique parce que la pièce a claire fonction cathartique sur le spectateur : mélange de compassion et d’horreur dans les 2 cas, compassion au malheur, et horreur devant la voie choisie qui fait que le spectateur à ce moment là sait qu’il est devant la distance théâtrale (très visible ds les 2 textes par le dialogisme, et encore accentué chez Sénèque par l’évocation des images infernales de son frère et des autres assassinats qu’elle a commis).

     




    ATTENTION ceux ci reste seulement quelques pistes de travail !

     


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